Pour une collectivité territoriale (département, commune), mettre à disposition des fonds issus des archives départementales ou communales sur internet est un projet qui ne peut se réduire à la simple visée logistique de désengorgement des archives départementales.
D’une part parce que toutes les AD ne sont pas engorgées et parce que toutes les expériences semblent montrer que la mise en ligne des registres paroissiaux et d’état-civil ne désertifie pas pour autant les salles de lectures.
D’autre part parce que la mise en ligne d’archives participe d’un mouvement d’accessibilité accrue du patrimoine mémoriel : une personne où qu’elle se trouve dans le monde peut désormais accéder à des archives ou documents numérisés qui se trouvent peut-être physiquement à des centaines ou milliers de kilomètres.

La mise en ligne des registres paroissiaux et d’état-civil et autres documents d’archives va également, selon moi, bien plus loin et ne se résume pas à des prérogatives ministérielles ou scientifiques. Elles amène la possibilité d’une forte action de communication de la part des conseils généraux à destination des généalogistes, des historiens, et au delà, à destination de l’ensemble des administrés.
C’est un moyen de mettre en avant l’action du département dans les domaines culturels et patrimoniaux en donnant l’occasion d’insister sur ses spécificités historiques et sociales. En facilitant l’accès à ses ressources archivistiques, le département ou la commune verra d’ailleurs par ricochet se développer les travaux historiques, généalogiques ou sociologiques sur son passé.
La mise en ligne d’archives peut devenir, en termes de communication institutionnelle, un puissant instrument de notoriété auprès de divers publics. Si la mise en ligne d’archives départementales fait rarement la une du journal de vingt heures, l’info est tout de même susceptible d’attirer l’attention d’un certains nombre de personnes, et pas uniquement parmis les administrés locaux : en 2001, une étude de la Sofres laissait par exemple entendre qu’entre 500 et 800.000 français seraient des généalogistes actifs. Ce qui représente un public non négligeable ! Non pas qu’il y ait nécessairement 500.000 Français qui se servent des archives en ligne, mais au moins le même nombre qui puisse être sensibilisé à leur existence…
Une mise en ligne réussie d’archives positive donc l’image de la collectivité concernée : combien de fois ne cite-t-on pas en exemple les archives départementales de la Mayenne pour la précocité et la qualité de leurs services en lignes ? autant d’échos positifs pour l’image du département.

Or, que se passe-t-il si une mise en ligne s’annonce entachée ? En regardant le cas récent des archives départementales de l’Hérault, on prend peur pour l’image du département et de ses AD auprès d’une des principales cibles : généalogistes et historiens. Alors même que la mise en ligne de l’état-civil aurait pu être une nouvelle acclamée par la communauté généalogique, l’accès payant annoncé a au contraire dressé une muraille d’incompréhension et de colère des généalogistes à l’égard du conseil général de l’Hérault et de la direction des archives (pétitions, protestations avec répercussions médiatiques locales)…
Certes, l’information de l’accès payant semble avoir pris de court les services de communication départementale, puisque révélée bien innocemment dans un article de presse. Mais ce qui est désormais avancé comme justifications (favoriser le tissu associatif plus ou moins local et les recherches collectives [1]) me semble plutôt tenir du reproche fait à un potentiel individualisme des généalogistes utilisant le web (gratuit)… On a vu communication plus réussie !

(Note au 10 mars 2008 : les archives de l’Hérault sont finalement annoncées pour la fin mars 2008 et… gratuites !)

Notes

[1] Pour les justifications avancées par les officiels de l’Hérault, voir une réponse de la directrice des AD34 et un article du Midi Libre (edit : l’article du ML n’est malheureusement plus en ligne…).