Confession intime : j’aime collectionner les ancêtres
Une critique, ou du moins une remarque, revient régulièrement dans le monde de la généalogie : la compilation d’ancêtres bornée aux BMS serait une pratique peu digne d’intérêt. J’ai souvent tiqué à l’entente de cette assertion, ne sachant trop comment me positionner. J’ai même hésité à appeler TF1 pour me confesser. C’est finalement cette citation rapportée par Pierre-Valéry Archassal sur Twitter depuis RootsTech 2014 qui m’aura décidé à tapoter mon point de vue sur le clavier :
« L’important en généalogie, ce n’est ni la date de naissance ni celle de décès, c’est ce qu’il y a entre les deux » D. Brimhall #RootsTechFR
— Pierre-V. Archassal (@PV_Archassal) February 6, 2014
Se contenter d’empiler les sosas à coup de date de naissance-mariage-décès n’a beau être qu’une partie de la discipline généalogique, elle n’en demeure pas moins sa base. Et une base solide, c’est important.
Bien sûr, la pratique généalogique a tendance à valoriser ce qu’il y a entre la naissance et le décès. Or, il me semble que les sensibilités sont devenues prégnantes sur cette question avec l’essor de la généalogie en ligne. Je m’explique.
Collectionner les ancêtres, c’est grisant !
Je mets les pieds dans le plat (il reste encore un peu de sauce) : j’adore ajouter des ancêtres à mon arbre.
Découvrir un couple de parents, grimper d’une génération, faire rugir mon compteur de sosas. La recherche généalogique c’est aussi ça. Relisons d’ailleurs en chœur la définition du terme « généalogie » :
Dénombrement, suite des ancêtres qui constituent la filiation d’une personne ou d’une famille.1
Forcément, au bout d’un moment, ça fait beaucoup :
Si j’avais voulu retracer le parcours complet de vie de mon arrière-grand-père, au lieu de m’attacher à recenser toute mon ascendance familiale, alors j’aurais été biographe, pas généalogiste. C’est tout aussi bien, mais mon temps n’est pas extensible et je dois faire des choix dans mes activités.
La simple recherche d’ancêtres est une véritable enquête. Des facilités des tables décennales du XIXè on passe bien vite aux épines, on se lance dans des jeux de pistes pour retrouver une paroisse d’origine ou pour dénouer les liens familiaux à partir d’actes avares. Cette quête n’est parfois récompensée que par un prénom, un nom et des dates de naissance-mariage-décès. Mais obtenus avec tellement d’efforts que ces quelques mots recopiés dans notre arbre deviennent un joli trésor.
Généalogie sur Internet : le « toujours plus »
Qu’est-ce qui peut expliquer à présent cette attitude généralement négative à l’égard de la « collectionnite » généalogique ? Je vois deux principaux facteurs, tous les deux liés à Internet.
Le temps
Avant le net, le généalogiste avait moins de facilité à consulter les archives pour compléter ses branches puisqu’il fallait systématiquement se déplacer dans les centres d’archives. On était déjà fier si on pouvait aligner quelques noms sur un arbre qui tenait sur une feuille A4 ! Aujourd’hui avec les mises en ligne des AD, on gagne du temps : quand on va en salle d’archives, si ce n’est pas pour rendre visite aux dernières réfractaires à la mise en ligne, c’est désormais pour « feuillir » notre arbre avec des documents plus détaillés (actes notariés, archives judiciaires, etc.).
D’ailleurs, la mise en ligne progressive de nouvelles sources (cadastres, recensements, iconographie, registres militaires, livres anciens, registres notariés) permet, de fait, de retracer la vie de ses ancêtres à moindre frais et moindre temps.
Les blogs généalogiques
C’est une émulation collective qui a amené de plus en plus de généalogistes à pousser leurs recherches au-delà de la simple compilation d’ancêtres. Il faut avouer que si l’on n’a rien à raconter de plus qu’une date de naissance et de décès, on risque vite de ne garder comme visiteurs de son blog que les robots à spam.
Tenir un site sur sa généalogie, c’est donc déjà faire cette démarche d’aller plus loin, avoir une motivation pour étoffer ses recherches et les développer, en un mot (ou en plusieurs, sinon c’est vite lu) : raconter de belles histoires. Un nom de métier, l’acte de vente d’une maison, un document de succession, le compte-rendu d’un procès, le dépouillement d’un recensement deviennent autant d’occasion de raconter ses ancêtres, ce qu’il se passe entre leur naissance et leur décès.
Je ne dis pas qu’avant Internet les généalogistes ne se souciaient pas de la vie de leurs ancêtres. Juste qu’avant on laissait un peu plus en paix ceux qui ne s’en souciaient pas. Ou alors on en parlait moins. Honnis soient les réseaux sociaux.
Pour ma part, je prendrai toujours autant de plaisir à remplir les cases dans mon arbre qu’à en savoir plus sur mes ancêtres.
Et vous, vous en êtes à combien de numéros Sosa ?
Mise à jour (22/02/2014) : pour participer à la discussion, vous pouvez poster un commentaire ci-dessous ou bien lire les commentaires sur Facebook :
- Définition du mot « généalogie » in Dictionnaire de l’Académie française, 9ème édition, 1992 [↩]
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